Librairie Siloë Liège

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par Bernard Quiriny.
le-village-evanouiDès le titre, nous sommes happés. Evanoui devient,  à une lettre près, épanoui.  Pas du tout pareil : l’épanoui est ouvert, offert , bien vivant.
Notre évanoui, si nous reprenons les dictionnaires, a perdu conscience ou connaissance, il a cessé d’être : Disparu, envolé, voire introuvable, fini, passé.
Mais l’évanouissement est transitoire, c’est une syncope, plus ou moins longue, une pâmoison, dont on revient plus ou moins interpellé. C’est ce qui vous est offert à vous lecteurs de tous poils.
Les villageois de cette campagne ordinaire,  soumis à cette disparition, à cette coupure du monde extérieur,  sont » l’objet » d’une description presque froide , d’un humour sec tenu tout le long du récit, telle une description presque chirurgicale ou scientifique amusée, curieuse, mais appliquée. Cette écriture nous permet de projeter nos idées sans savoir vraiment ce qu’en pense l’auteur.
Il fallait que cela se passe dans un village en campagne . Lors d’une interview pour le Figaro, Bernard Quiriny dit clairement que la survenue du même évènement dans une ville aurait fait tourné court le roman : Lors d’un isolement semblable  à Paris par exemple,, » les protagonistes se seraient entretués après deux semaines, faute de vivres, puisqu’on ne peut pas manger des chemises Armani ».
Dans le village, dans un premier temps, les élus locaux, les représentants légaux, sociaux, juridiques réagissent en gérant prudemment les stocks pour la survie de tous en appréciant les stock des commerces, mais aussi les réserves des particuliers ,puis  on réalise les possibles en ressources cultivables, techniques, artisanales, reprenant en main tout ce qui habituellement aurait pris la direction des déchetteries.
Mais rapidement un paysan fera sécession aux réquisitions proposées par les élus légaux, et tel un seigneur médiéval, va vouloir non seulement protéger ses biens et les fruits de son travail, mais accroître son territoire en l’annexant à celui du fermier voisin : l’appel au travail, les offres de logements et de nourriture ont tôt fait d’aspirer vers ce nouvel « état » dans la région, , les artisans, les manuels, les « non-intellectuels », fiers et prêts à cultiver les champs, accroître les troupeaux, entretenir les massifs forestiers, créer des moulins, produire les biens nécessaires à cette survie.
Dans cette faille entre les « doux gestionnaires » et le pragmatique, on remarquera vite la « perte » des personnes isolées, fragiles, telles les personnes âgées ou malades, surtout en période hivernale.
De même, les groupes d’adolescents sont livrés à eux-mêmes. Plus rien ne les retient chez eux, les parents n’ont plus de repères sensés et l’école ne représente plus l’envol prévu .  Les autorités habituelles se délitent, l’ordre démocratique se dissout…
L’humour de l’auteur à chaque fois permet de s’élever au-dessus des descriptions politiques, des décisions administratives,  et permet de réaliser à quel point » l’humain reste est vermisseau face aux évènements naturels et a fortiori surnaturels »
Même si les prêches du prêtre semblaient avoir rassemblé le troupeau, jusqu’ici paresseux ou oublieux pendant les premiers temps, l’appel de l’aventure, du vide, des risques renaît pour beaucoup, les tentatives d’évasion se multiplient...
Histoire dite surréaliste , et totalement imaginaire par les journaux, Bernard Quiriny se dit plutôt réaliste, sachant que l’humain est et reste ce qu’il est. ‘Après la stupeur initiale et les efforts déments pour s’adapter, ils prennent la mesure de leur petitesse. Que la planète soit grande ou minuscule, le fond de l’homme reste le même. »
Roman à lire absolument, l’humour à la fois tendre et compatissant de l’auteur en font un récit proche de nous. Roman apparemment simple, mais suscitant une réflexion sérieuse dans les temps de crises actuels . Que ferions-nous si nous étions pour un temps indéfini, seuls au milieu de nulle part...
Il vous est promis plaisirs et questionnements sains.
Avec ce livre Bernard Quiriny, écrivain et chroniqueur belge, a reçu le grand prix de l’Imaginaire.
Mauricette Scheyvaerts

Flammarion, 2014 - 17.08 €

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